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Appartenance sexuelle des sources utilisées dans les principaux médias canadiens

Introduction

  • L’objectif de la présente étude consiste à fournir des données de référence statistiquement valables sur l’appartenance sexuelle des personnes citées dans les principaux médias canadiens ayant une couverture nationale. Informed Opinions va se livrer à une campagne d’information auprès des médias et créer des outils permettant aux journalistes de trouver comme sources des spécialistes de sexe féminin. Dans trois ans, on réalisera une étude de suivi, dans laquelle on appliquera la même méthodologie, afin de mesurer tout progrès réalisé dans l’intervalle.

Méthodologie

  • L’étude a porté sur 1 467 articles et segments radio ou télédiffusés provenant de sept organes d’information à fort tirage et programmes ayant une cote d’écoute élevée, tous les sept ayant une couverture nationale (versions en ligne du Globe and Mail, du Toronto Star, du National Post, de La Presse, de CTV National News, de CBC The Current et d’ICI Tout le monde en parle). Seules les sections Nouvelles des versions en ligne des publications écrites ont été considérées. À moins qu’ils ne fassent les manchettes, des sujets tels que les sports, les nouvelles régionales ou locales ou les loisirs ont été exclus de la recherche.
  • Au cours de trois périodes de surveillance, qui se sont déroulées d’octobre à décembre 2015, l’étude a recueilli 15 journées de données, aboutissant à un échantillon de 3 213 personnes citées dont le sexe était identifiable. Les personnes transgenres ont été classées dans la catégorie sexuelle dans laquelle elles se sont présentées.

Analyse et résultats

  • Les sources masculines ont constitué près des trois quarts (71 %) de toutes les personnes citées, les femmes représentant 29 %.
  • Quand on a extrait de l’échantillon les individus qui n’étaient pas Canadiens et qui n’étaient pas présents sur le territoire canadien, la représentation masculine a diminué à 68 %; cela constitue tout de même toujours plus des deux tiers des personnes citées, les femmes représentant dans ce cas un peu moins du dernier tiers, avec 32 %.
  • On a dénoté un lien statistiquement significatif (p<0,01) entre le sexe représenté et le média considéré, que l’examen porte sur les sources internationales ou sur les sources canadiennes seules. Les diffuseurs publics ont fait mieux que les diffuseurs privés ou que la presse écrite pour ce qui est de la représentation de sources féminines.
  • Pour l’ensemble de l’échantillon, voici les organes de presse ou les diffuseurs, présentés en ordre décroissant, où l’on a relevé le plus de sources féminines: ICI Tout le monde en parle (41 %), CBC The Current (40 %), le Toronto Star (34 %), La Presse (28 %), le Globe and Mail (27 %), le National Post (26 %), et CTV National News (23 %).
  • Pour l’échantillon ne portant que sur les sources canadiennes citées, voici les organes de presse ou les diffuseurs, présentés en ordre décroissant, où l’on a relevé le plus de sources féminines : CBC The Current (43 %), ICI Tout le monde en parle (42 %), le Toronto Star (37 %), le Globe and Mail, La Presse et le National Post à égalité (28 %), et CTV National News (26 %).
  • Le nombre d’hommes a dépassé celui des femmes dans chaque catégorie professionnelle, qu’il s’agisse de l’échantillon global (canadien et international) ou de l’échantillon canadien seul. En ce qui concerne l’échantillon des seules sources canadiennes, 66 % des universitaires cités étaient des hommes, 76 % des politiques étaient des hommes, 70 % des fonctionnaires étaient des hommes, 52 % des personnes affiliées à une O.N.G. étaient des hommes, 78 % de celles affiliées à une entreprise privée étaient des hommes, 73 % de celles affiliées à une profession juridique étaient des hommes, 55 % de celles affiliées au secteur de la santé étaient des hommes, 66 % de celles affiliées au secteur des médias étaient des hommes, 66 % de celles appartenant à une profession liée à la création étaient des hommes, 88 % du personnel de police cité étaient des hommes, et 100 % des personnes associées au monde des sports étaient des hommes. Pour chaque catégorie professionnelle pour laquelle nous disposions de données, les femmes étaient sous-représentées de façon significative par rapport à leur représentation effective au sein de leur profession; ceci correspond aux données de Statistique Canada de 2011, à l’exception toutefois de la catégorie politique.
  • Les professions de la santé ont constitué la seule exception à la tendance à la surreprésentation des hommes, du moins en apparence. Dans l’échantillon global, en effet, 53 % des personnes citées dans cette catégorie professionnelle étaient des femmes, 47 % étant des hommes; le rapport s’est par contre inversé dans l’échantillon des sources canadiennes, avec 45 % de femmes et 55 % d’hommes. Pour replacer ces données dans leur contexte, rappelons que selon les données de 2011 de Statistique Canada, les femmes constituent 80 % des effectifs des métiers de la santé au Canada, ou 58 % des effectifs de ce secteur si on exclut les soins infirmiers.
  • Sur le marché du travail, les femmes sont sous-représentées dans un certain nombre de professions, par exemple dans les domaines des sciences naturelles et des sciences appliquées, de la plomberie, de l’électricité, de la construction, du transport et de la conduite de machinerie lourde. Pour tenir compte de ce déséquilibre dans le secteur des sciences naturelles et des sciences appliquées, nous n’avons pas examiné les sections Science et Technologie des sites Web des journaux. Le groupe des artisans, des techniciens et du personnel de travaux lourds n’ayant pas été significativement cité dans les médias, les gens affiliés à ces métiers ont donc été classés dans la catégorie « Autre ».
  • Dans la catégorie des victimes/témoins, 47 % des personnes citées étaient des femmes et 53 % étaient des hommes. Dans l’échantillon des sources canadiennes seules, la représentation féminine est descendue à 44 %, par rapport à 56 % chez les hommes. Le rapport entre les femmes et les hommes cités en tant que victimes ou que témoins est supérieur à celui des catégories professionnelles, à l’exception de la santé. Cela signifie que les hommes sont plus souvent présentés dans les médias en tant qu’experts qu’en tant que victimes ou que témoins.
  • On a constaté une parité (50 % de femmes, 50 % d’hommes) dans les entrevues réalisées auprès de citoyens ordinaires. La diversité des personnes interrogées semble dépendre du ou de la journaliste concerné(e). Un journaliste, en particulier, est parvenu à assurer un bon équilibre entre le sexe, la race et l’âge des personnes interrogées. D’autres, moins.
  • L’étude a pour la première fois recueilli des données sur d’autres formes de diversité. Le recueil des données sur des types de diversité autres que le sexe (diversité raciale, ethnoculturelle, linguistique, religieuse, liée au handicap, ou encore l’identité ou l’orientation sexuelle) est problématique, compte tenu du fait que l’association des gens avec l’un ou l’autre de ces groupes n’est pas toujours connue ou ne transparaît pas de façon évidente dans la presse, à la radio ou à la télévision. Nous avons recueilli des données sur les types de diversités perçus, mais en raison de difficultés méthodologiques associées à cette collecte, nous n’avons pas pu tirer de conclusions valables.
  • Il n’existe pas de lien statistique significatif entre le sexe de la personne interrogée et la durée de son témoignage. Quand des femmes sont interrogées, elles tendent en effet à l’être pour une durée identique à celle des hommes.
  • Nous avons réalisé une analyse des articles et segments directement produits par le personnel d’un organe d’information, en excluant ceux qui provenaient d’agences de presse ou qui étaient reproduits ou rediffusés à partir d’autres sources. Aucune différence significative n’est apparue, ce qui signifie que le déséquilibre entre les sexes n’est pas dû à l’origine de l’information, qu’il s’agisse de fils de presse, d’articles réimprimés ou de segments rediffusés à partir d’autres sources.
  • Nous avons relevé des différences significatives selon la période considérée, en octobre, novembre et décembre respectivement. Ceci pourrait signifier que le sexe des personnes citées varie selon le sujet couvert par l’actualité du moment, et souligne la nécessité de faire porter l’étude sur des périodes espacées dans le temps, pour en faire une moyenne par la suite.

Recommandations à l’égard des journalistes

  • Essayez de parvenir à la parité entre les sexes autant que possible. Si vous réalisez des micros-trottoirs, ne vous contentez pas des trois premiers sujets, si ce sont tous des hommes. Faites l’effort de solliciter plus de témoignages jusqu’à obtenir un nombre égal de femmes. Tenez également compte de la diversité des âges et des milieux représentés, ce qui profitera de toute façon à la qualité de l’information et des articles.
  • Si une source féminine indique qu’elle n’est pas la personne la mieux placée pour fournir un commentaire, ou qu’elle n’en a pas le temps, dites-lui que les sources masculines sont bien plus nombreuses que les féminines, et que le reportage bénéficierait de points de vue féminins.
  • Si une source féminine indique qu’elle n’a pas le temps de faire l’entrevue, dites-lui que vous êtes conscient(e) de la contrainte de temps, mais que l’entrevue ne prendra qu’une ou deux minutes, et que sa connaissance et sa compréhension du contexte ajouteront de la valeur au reportage.
  • Pour remédier aux expériences négatives que beaucoup de femmes ont eues suite à leur intervention dans les médias, en raison des réactions du public ou de l’abus en ligne, efforcez-vous de développer avec vos sources féminines des relations basées sur la confiance et le respect. Vous pouvez le faire en leur faisant des commentaires favorables si cela se justifie, par exemple en les rappelant pour leur dire « merci pour l’entrevue ; c’était exactement ce dont on avait besoin », « les réactions à cet article ont été très positives », ou encore « vous avez très bien expliqué la situation ».
  • Accordez aux expertes le même respect, le même temps d’antenne et la même reconnaissance des titres, qualifications et accomplissements que vous ne le feriez pour leurs homologues masculins.
  • Si un membre d’un panel domine la discussion, posez des questions directes aux autres pour veiller à ce que leurs points de vue soient entendus eux aussi.
  • Privilégier une source masculine ne résulte en général pas d’un acte conscient. Pour vérifier si vous le faites, choisissez une période d’une semaine ou deux, puis consignez le sexe de vos sources et déterminez si vous avez contribué au déséquilibre, ou si vous êtes parvenu(e) à utiliser au mieux les expertes qualifiées comme sources.
  • Servez-vous de la base de données FemmesExpertes.ca pour élargir votre base de spécialistes. Dans l’intervalle, vous pouvez consulter la base de données actuelle d’Informed Opinions à www.femmesexpertes.ca.
  • Discutez avec des collègues des façons dont ces recommandations, qui visent à atteindre la parité homme-femme, constituent simplement une bonne pratique journalistique.

Le rapport complet est uniquement disponible en anglais. Pour en recevoir un exemplaire, veuillez en faire la demande à info@femmesexpertes.ca.

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